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St-Ouen, lundi 19 mai 2014
Hommage à Jean Oury
Vendredi matin, j’étais dans la salle des « éducs » avec une éducatrice. Elle me faisait part d’une situation, dans laquelle, elle avait l’impression d’être embourbée. Elle se demandait ce qu’elle n’avait pas entendu du jeune qu’elle accompagne. Un message sur mon téléphone m’annonce que Jean Oury est mort la nuit dernière. J’ai ressenti l’immensité de son œuvre vaciller de son absence, et maintenant qu’est ce que l’on fout là, sans toi ?
J’ai croisé à plusieurs reprises Jean Oury, une fois il m’a demandé dans quel domaine je travaillais. Je lui ai répondu que je travaillais en prévention spécialisée dans le sud d’Asnières et Gennevilliers. Certainement que des souvenirs lui sont apparus, car son regard s’est illuminé et il m’a dit qu’il avait vécu à la Garenne-Colombes. Certains soir, quand il n’y avait plus d’autobus, il traversait un grand champ avec son frère Fernand, un terrain vague appelé « La folie ». Aujourd’hui sur ce territoire, d’immenses gratte-ciels tentent de tutoyer les dieux de l’Olympe. Très malicieusement, il ajoute : il fallait bien que j’y vienne à la folie… Oui, il y est allé. Mais par les chemins de traverses pour pouvoir rencontrer l’autre, celui qui souffre et qu’il reconnaissait dans son altérité, dans son humanité.
Après avoir rencontré Francesc Tosquelles à Saint-Alban en 1947 comme interne en psychiatrie, Jean Oury s’est lancé dans une aventure rocambolesque en 1957 à la clinique de La Borde (Loire-et-Cher) avec comme compagnon de pensée Félix Guattari. Il nous laisse un héritage une œuvre vivante et surtout une clinique du quotidien. A nous de continuer à penser notre pratique et nos institutions, l’envie de reprendre les chemins de traverses me reprend.
L’éducatrice me glisse une petite phrase : « qu’est ce qu’on se prends la tête avec nos jeunes… mais, je ne sais pas faire autrement. » et oui certains vont continuer obstinément à se demander « qu’est ce que je fout là ! »
Adam Cano Quero
Quelques ouvrages :
- l, Donc, Union Générale d'Éditions, Paris, 1978
- Onze heures du soir à La Borde, éd. Galilée, Paris, 1980
- Pratique de l'institutionnel et politique, écrit avec Félix Guattari et François Tosquelles, Matrice, 1985
- La psychose, la mort, l'institution, Éditions Hermann, Paris, 2008
- Dialogues à La Borde, Éditions Hermann, Paris, 2008
- Préalables à toute clinique des psychoses : dialogue avec Patrick Faugeras, Toulouse, Erès, 2012
http://www.mediapart.fr/content/un-monde-sans-fou-entretien-avec-jean-oury
La Borde, droit à la folie (1985)
http://www.youtube.com/watch?v=k83tSwreK8w